De Tierra Lemi

De Tierra Lemi Schnauzer miniature

Schnauzer miniature

Pas toujours un rêve...

Pas toujours un rêve...

Il n’y a plus de chiot disponible. Nous avons tellement attendu ces premiers petits de notre gros bébés Naïomi. Tellement de joie en espérance... Il a fallu attendre les chaleurs, après avoir fait les examens de santé pour limiter des drames futurs. Ensuite, il a fallu trouver un étalon, aux caractéristiques physiques et mentales à la hauteur de notre Naïomi. Un mâle expérimenté évidemment… pour notre novice…

Enfin, les chaleurs et avec elles, les allers-retours chez le vétérinaire pour faire des prises de sang afin de doser le taux de progestérone pour cibler au mieux l’ovulation qui dure moins de 48 heures… Dosages indispensables lorsque le futur papa n’est pas sur place. Quelques kilomètres plus tard, et le mariage enfin consommé… L’attente. Y aura-t-il ou non des petits bobox ? Après 40 jours, la joie du résultat de l’échographie qui annonce la prochaine venue des petits redoutables… Pour un peu et nous ferions la fête !...

La naissance approche et le « nid » est préparé pour rassurer au mieux la future maman. Rien n’est plus meurtrier qu’une chienne trop inquiète. Mise-bas disent les vétérinaires. Il s’agit bien de naissance : d’une maman, de petits et d’espoir. L’espoir de la confirmation du travail de sélection pour maintenir dans le standard, une race aimée. L’espoir de voir naître un futur champion. L’espoir de pouvoir répondre aux multiples demandes de chiots « boxer femelle fauve avec plastron, et marques blanches sur la tête et les pattes, et pas trop foncée le fauve, et la queue coupée si possible et gentille avec les enfants et qui peut rester seule toute la journée sans fuguer ni détruire, et qui aime le chat et….. ». Mais surtout, surtout, l’espoir que tout se passe bien. Le jeudi 23 avril, la journée est difficile pour notre Naïomi. Elle est nerveuse, s’agite et ne nous quitte pas d’une semelle. Le soir de ce 23, je sais que la nuit sera longue…

A minuit, rien ne se passe, je suis épuisée et je vais me reposer. Je reviens au chevet de Naïomi à 1h50. Il y a bien des contractions de travail, qui perturbent le sommeil de la future maman. Je sais que c’est tout proche, mais quand ? A 6 heures du matin, je ne tiens plus et je vais me reposer pour 1 heure. Finalement épuisée, c’est 2 heures plus tard que j’y retourne pour constater qu’il y a 2 chiots nés, trempés bien sûr. En mode éleveuse, je m’occupe de sécher ces 2 femelles, et de rajouter des linges pour absorber les liquides et maintenir autant que possible le nid au sec. Naïomi s’est bien débrouillée. A 8h50, la troisième arrive. Et à 10 heures, la dernière bobox enfin… J’assiste ma boxer fatiguée mais je ne veux pas trop intervenir : elle doit acquérir de l’expérience... Naïomi après avoir poussé, s’occupe donc de couper les cordons, et de manger les placentas. Quant à moi, j’ouvre les poches, je sèche et je stimule. L’enjeu est que la respiration se fasse le plus rapidement possible, pour oxygéner les organes, et que le chiot ne prenne pas froid. Même avec la lampe chauffante, un chiot trop mouillé est en danger. Naïomi, fatiguée, peut enfin se poser. Les chiots sont lovés au creux de ses mamelles. 4 chiots, 4 femelles, seulement 4, mais quelles merveilles ! Déjà pourtant, il faut déranger la jeune maman. Elle doit sortir faire ses besoins. J’en profite ainsi, pour changer intégralement les couvertures, éponger et laver le sol des liquides amniotiques, sang de cordons... Faire vite pour : peser les bébés ; les inspecter pour détecter d’éventuelles malformations, en tout cas les visibles, comme la fente palatine ; prendre une photo. A son retour, Naïomi a droit à son remontant comme toutes mes parturientes : un mélange énergisant composé de yaourt, de miel et d’œuf entier cru. Bien sûr, elle adore. Elle peut couver ses petits, au propre.

Il est midi du 24 avril… A peine la joie (sans sommeil) de les voir enfin, et maintenant commence le temps de la surveillance des bébés.  Notre quotidien va se mettre entre parenthèses durant ces prochains jours… Sans trop déranger la chienne, être sûr que les petites tètent bien le colostrum indispensable à leur survie… Intervenir aux cris de détresses qui alertent que leur inexpérimentée maman les écrase, ou que les mamelles sont hors de portées…

J+2, je constate un problème et je pèse les petites. Elles ont perdu trop de poids, plus que la normal. Naïomi n’a pas sa montée de lait. Elle est inquiète et cela se traduit par du léchage plus que de raison. Il faut intervenir. Comme tout éleveur, il y a toujours une boîte de lait en poudre pour chiot en réserve. Les prochains jours vont être ponctués par la préparation des biberons et pipette pour les chiots qui refusent le caoutchouc. Toutes les 2 heures, jour et nuit, puis toutes les 3 heures… Pour le biberonnage, il faut être vigilant avec les fausses routes qui peuvent tuer. Malgré les biberons, une des femelles ne prend pas de poids. Les premières fois, Naïomi n’aime pas que je lui prenne ses chiots… Son regard est lourd de reproches et de peur. Je n’ai pas le choix pour que ces petites vivent. Elle comprendra finalement que je ne lui volerai pas et que ses bébés vont aller mieux. J+4 la petite est morte. Après le biberon qu’elle refusa de 4 heures du matin. Naïomi la lèche une partie de la matinée, la couvre de ses pattes avant. Notre jeune maman refuse de manger.

Sa tristesse, c’est aussi la mienne. Cette tristesse à chaque perte et qui m’est familière ne passe pas malgré l’expérience. Dans l’émotion, le sentiment d’échec, d’avoir manqué à mon devoir d’éleveuse est immense. Pourtant je sais que nul ne peut prétendre gagner chaque fois. Inutile de s’avouer que ce qui submerge c’est notre impuissance à faire vivre coûte que coûte, comme si tous ces nouveau-nés étaient destinés à vivre, parfaits. La nature n’est pas si folle. La leçon est pourtant chaque fois douloureuse. Je vais laisser, encore quelques heures, la petite sans vie, auprès de sa mère pour aider à son deuil. Malgré la déception… maintenir les efforts pour les 3 femelles qui progressent bien est la priorité…

Sans fard, j’ai partagé cet évènement car, la réalité de l’élevage ne correspond pas forcément à ce que certains imaginent. Non, il ne suffit pas de mettre un mâle et une femelle ensembles et d’encaisser les chèques. Oui, c’est un métier, et surtout, une certaine compétence alliée à la passion de nos chiens. Non, je n’ai pas le temps de prendre des photos ou des vidéos durant les premiers jours de vie des chiots.

C’est l’engagement d’un éleveur de donner son énergie et son amour afin de vous offrir un compagnon en bonne santé et équilibré, et cela sans même vous connaître… car oui, finalement, c’est pour vous aussi... Et donc, merci de me permettre d’être la partenaire essentielle à mes chiennes… Merci de me laisser aider ces petits bouts qui se battent pour vivre… Merci pour votre confiance et pour votre patience.